Réserve biologique dirigée des Deslioures

La réserve biologique dirigée des Deslioures se trouve à l'est du massif des Ecrins, dans le vallon du Fournel, affluent de rive droite de la Durance à hauteur de L'Argentière-la-Bessée. Cette RBD abrite la plus importante population européenne de Chardon bleu (Eryngium alpinum), splendide espèce qui n'existe que dans la chaîne alpine et bénéficie d'une protection stricte aux niveaux national et européen. La plus grande partie de la population de Chardon bleu du vallon est située dans la forêt domaniale du Fournel, dans une zone qui a été classée en réserve biologique dirigée dès 1995 pour mieux protéger l'espèce et gérer son habitat.

Le site est inclus dans la ZNIEFF de type 1 "Vallon du Fournel - Bois du Simon de l’Aigle - Bois noir" incluse dans la grande ZNIEFF de type 2 "Partie sud du massif et du Parc national des Ecrins - massif du Mourre Froid - Grand Pinier - haut vallon de Chichin" et la ZICO "Parc national des Ecrins". La RBD fait partie de la ZSC "Vallon des Bans, vallée du Fournel" et de la zone d'adhésion du Parc national.

La forêt domaniale du Fournel est issue de l’acquisition de terrains périmétrés au titre de la législation sur la restauration des terrains en montagne (RTM), pour enrayer les processus d’érosion occasionnés par le déboisement et le pâturage intensif généralisés dans les Alpes du Sud. Les premières acquisitions constitutives de la forêt domaniale sur le territoire communal de LʹArgentière‐la‐Bessée datent de 1933, à la suite d'une crue dévastatrice en 1928 à L'Argentière et la vallée de la Durance. Des travaux très importants ont alors pu être réalisés sur le torrent.

La valeur patrimoniale du site des Deslioures a conduit l'Etat, par l'intermédiaire de l'ONF, à acquérir des terrains privés pour améliorer la garantie de protection et de gestion conservatoire de la station de Chardon bleu, en étendant la forêt domaniale puis en créant la RBD. Ces acquisitions, pour la majeure partie des terrains de la future réserve biologique, n'ont eu lieu à partir de 1988. Auparavant, historiquement, le site avait été l'objet de pratiques pastorales dont le détail est mal connu mais qui avaient contribué au maintien à l'état ouvert de la prairie à Chardon bleu. De nos jours encore, sur près d'un dizaine de kilomètres vers l'amont à partir des Deslioures, le vallon du Fournel est encore très concerné par le pastoralisme ovin. 

La RBD des Deslioures repose entièrement sur des matériaux détritiques issus de l'activité de glaciers et de torrents, ou sur des éboulis. L’essentiel de la réserve concerne un cône de déjection torrentiel à la morphologie très typique, issu majoritairement des grès du Champsaur qui constituent le matériau principal des versants.

Malgré l'érosion toujours très active, la localisation de la réserve en fond de vallée, à l'abri des principaux mouvements d'érosion ou d'apport de matériaux, a permis sur une partie du site le développement progressif de sols bruns pouvant être relativement profonds et fertiles. Les sols sont en revanche très caillouteux et squelettiques à proximité des torrents comme en montant sur le versant.

L'altitude de la RBD des Deslioures (1600 m) correspond à l'étage montagnard moyen, mais la topographie et le confinement du vallon induisent des températures très basses en hiver et une période d'enneigement particulièrement longue. En conséquence, la végétation correspond plutôt à celle de l’étage montagnard supérieur voire subalpin inférieur.

La réserve se compose principalement d’une prairie subalpine (CB 36.51 - N2000 : 6510) qui constitue l'habitat du Chardon bleu. Cette zone ouverte est bordée par un peuplement pionnier de mélèzes relativement jeune (42.33 - 9420). Eboulis (61.2 - 8120), fruticées et fourrés de saules sont les principaux autres types d'habitats présents.

Eryngium alpinum est l’espèce phare de la réserve et a constitué le motif de sa création. Cette magnifique ombellifère, connue sous plusieurs noms vernaculaires (Chardon bleu, Reine des Alpes ou encore Panicaut des Alpes) est protégée au niveau national et inscrite aux annexes 2 et 4 de la directive Habitats. La population qu’abrite la RBD est exceptionnelle par son importance.

Réserve botanique avant tout, la RBD des Deslioures est fréquentée par une faune montagnarde assez typique. Parmi les mammifères, le Chamois, la Marmotte, le Lièvre d'Europe, le Renard et le Sanglier. Le Tétras lyre et la Pie-grièche écorcheur (inscrits à l'annexe 1 de la directive Oiseaux) sont les représentants les plus remarquables de l'avifaune, nicheuse ou de passage, qui comprend aussi l'Hirondelle des rochers, le Venturon montagnard... Parmi les insectes des milieux ouverts, l'Apollon est un papillon protégé (PN, DH 2 et 4) typiquement montagnard.

La gestion de la RBD des Deslioures a pour objectif principal de conserver voire renforcer la population de Chardon bleu, par le maintien de l'ouverture du milieu. Des opérations de débroussaillement ont été réalisées et la réserve est parcourue par des moutons en fin de saison d'estive, qui contribuent au maintien des milieux ouverts mais peuvent aussi être source d'eutrophisation de la prairie si la pression pastorale n'est pas assez bien contrôlée. La population de Chardon bleu a fait l'objet de diverses études, dont des études génétiques (notamment par l'Université de Grenoble - Laboratoire d’Ecologie Alpine).

L'autre enjeu fort de gestion de la réserve est la maîtrise de la fréquentation, qui passe par des actions de canalisation du public, de sensibilisation et de surveillance. La fréquentation est en effet importante en période estivale, assortie du risque de prélèvement illicite d'une espèce à forte valeur esthétique mais strictement protégée : tout atteinte à l'espèce est interdite (prélèvement de plants entiers, de fleurs ou de parties défleuries), le cas de l'activité pastorale étant considéré à part en tant que contribution à l'entretien de la station de Chardon bleu. 

Un sentier de découverte a été aménagé sur le pourtour de la réserve, formant aussi une petite boucle à partir du GR54A qui remonte tout le vallon du Fournel depuis L'Argentière jusqu'au Pas de la Cavale.

La commune de L'Argentière-la-Bessée et le Parc national des Ecrins sont également parties prenantes de la gestion et de la valorisation de la réserve biologique.