CISyFE : l'atlas des sylvicultures adaptées au changement climatique

Face au changement climatique, l’ONF et le Centre national de la propriété forestière (CNPF) ont monté un partenariat pour créer le Catalogue d'initiatives sylvicoles face aux évolutions climatiques (CISyFE). Son but : recenser les bonnes initiatives pour rendre les forêts plus résilientes face au changement climatique et évaluer la pertinence des actes sylvicoles étudiés pour adapter la gestion forestière.

Fin 2021, l’ONF et le CNPF évoquaient l’idée de mettre en place un atlas qui recenserait et analyserait la pertinence des différentes actions sylvicoles déjà réalisées en forêts publiques et privées d’Auvergne-Rhône-Alpes. Pour y parvenir, il fallait d’abord identifier, grâce à un travail bibliographique et des retours d’expériences documentés, les différents leviers sylvicoles pour adapter les forêts au changement climatique.

« On a fouillé dans le passé de l’ONF, plaisante Médéric Aubry, chargé de sylviculture territorial à l’ONF en Auvergne-Rhône-Alpes. On a exploré tous azimuts, on s’est penchés sur des peuplements un peu atypiques qui jusque-là se sont bien adaptés au changement climatique. On a également étudié des introductions d’essences, des initiatives de renouvellement forestier, de la conduite de peuplements (mélange d’essences, gestion de la densité…). L’objectif, c’est de documenter chacune de ces initiatives pour voir si elles sont intéressantes à reconduire et de quelle manière le faire. »

Une élaboration sur plusieurs années :

Avec le soutien financier de l'Etat, le projet CISyFE a été mis en place courant 2022 et se déroule en plusieurs étapes.

  • Etape 1 : L’ONF et le CNPF ont mené une enquête pour recenser les initiatives existantes en forêts publiques et privées.

  • Etape 2 : sélection des initiatives les plus pertinentes à documenter scientifiquement (près de 200). Un important travail de bibliographie a été mené et se poursuit. CISyFE s’appuie sur des résultats bibliographiques issus de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), du réseau Recherche développement et innovation (RDI) de l’ONF, de l’Institut pour le développement forestier du CNPF et d’autres organismes de recherches étrangers.

    Une autre sélection a été opérée parmi les 200 initiatives identifiées, afin d'en garder seulement 40 qui figureront dans le catalogue. 20 sont localisées en forêt publique et 20 en forêt privée.

  • Etape 3 : Mise en place d’un protocole pour analyser les initiatives retenues. L’analyse de ces initiatives a consisté à décrire le sol, le peuplement en place, à évaluer la biodiversité et les contraintes rencontrées. Cette analyse est basée sur des protocoles et des outils déjà existants pour l’évaluation de l’état sanitaire, pour la compatibilité climatique des essences, pour la sensibilité du sol et pour évaluer le risque de dépérissement. L'utilisation de ces outils et la compilation des résultats permettent de mettre en évidence les leviers d'actions à appliquer pour adapter la forêt au changement climatique en fonction des différents contextes.
     
  • Etape 4 : Identification de nouvelles zones géographiques sur lesquelles tester les protocoles élaborés dans l'étape 3 du projet. Ces parcelles "tests" feront de nouveau l'objet d'études dans quelques années pour suivre leur évolution.
Analyse du sol en forêt d'épicéas. - ©Valentin ROUGEMONT / ONF

Le projet CISyFE permet ainsi de prendre du recul pour identifier les actions pertinentes ou les erreurs commises et les approches qui ne sont plus adaptées compte tenu de l’évolution du climat. Il apporte aussi d’autres solutions à tester, basées sur la science. Finalement, il s’agit pour l’ONF et le CNPF de se livrer à un travail d'introspection et d’expérimenter sur le terrain afin de trouver des solutions pour adapter la forêt dans un contexte climatique incertain !

Le plan d’actions de CISyFE a pu être lancé grâce au soutien financier de l’Etat via la Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DRAAF) Auvergne-Rhône-Alpes. Il s’étend aussi bien en forêts privées que publiques (domaniales, départementales, communales...). Il est donc piloté et financé par l’ONF (qui gère les forêts publiques) et par le CNPF (en charge du conseil et de l’animation auprès des gestionnaires et des propriétaires forestiers privés). Mais le projet n’est pas uniquement bilatéral. Tous les acteurs du cercle forestier sont régulièrement invités à des journées d’échanges, pour partager leurs idées et faire le point sur ce qui a déjà été entrepris (coopératives forestières, exploitants forestiers, Office français de la biodiversité, associations de protection de la nature, scieurs, chasseurs…). Le projet CISyFE est un travail multi partenarial mis en œuvre dans le cadre du groupe de travail régional « forêts et changement climatique » initié par la DRAAF.

La version finalisée du catalogue devrait être présentée lors des journées de restitution le 19 et 21 novembre 2024.

Zoom sur la forêt d’Ayguebonne

Ilot d’avenir de sapin de Céphalonie planté en forêt domaniale d’Ayguebonne. - ©V.ROUGEMONT / ONF

En forêt domaniale d’Ayguebonne, située dans le Puy-de-Dôme, des initiatives sylvicoles dans plusieurs parcelles ont été identifiées comme pertinentes dans le cadre de l’adaptation des forêts au changement climatique.

Un diagnostic de la zone a été effectué en 2019, où un important dépérissement d’épicéas avait été constaté. Plusieurs arbres étaient touchés par des scolytes quand d’autres subissaient une défoliation anormale (perte d’aiguilles).

Dans le cadre du CISyFE, l’ONF s'est donc documenté pour établir une liste d’initiatives intéressantes à analyser et à suivre dans le temps. L'objectif à Ayguebonne : ramener de la diversité d’essences et renouveler les épicéas sur les parcelles endommagées.

Les quatre initiatives retenues :

  • Des plantations de pins (Laricio de Corse principalement), essences qui ont besoin de lumière, ont eu lieu dans les trouées ouvertes suite à l’exploitation des épicéas touchés par les scolytes.

  • A l’inverse, dans les endroits où les épicéas n’ont pas étés attaqués (mais sont néanmoins affaiblis) et où la luminosité au sol est plus faible, des sapins méditerranéens ont été plantés afin de diversifier le peuplement. Ces sapins ont l'avantage d'être plus résistants à la sécheresse et de ne pas demander beaucoup de lumière pour se développer.

  • Introduction d’espèces plus atypiques avec la création d’un îlot d’avenir de sapins de Céphalonie, une essence qui pousse actuellement dans les conditions climatiques futures de la région et qui ne semble pas très sensible aux hivers locaux.

  • Valorisation de la dynamique naturelle. L’ONF limite les plantations aux zones où elles sont nécessaires. Lorsque les essences qui s'installent naturellement ne sont pas menacées par le changement climatique, les forestiers de l'ONF accompagnent la forêt pour qu'elle se régénère seule. 

Toutes ces initiatives ont été menées dans le but de renouveler le peuplement d’épicéas très vulnérables aux évolutions du climat et aux attaques de parasites.

Médéric Aubry, chargé de sylviculture territorial à l’ONF en Auvergne-Rhône-Alpes

Des analyses de ces parcelles sont menées régulièrement afin d’observer l’évolution des actions mises en place et de les ajuster si besoin. Il faudra néanmoins attendre plusieurs années pour avoir suffisamment de recul et tirer des conclusions. Un vrai travail de fourmi, qui nécessite patience et humilité, pour répondre à un défi ambitieux : renouveler la forêt d’Auvergne-Rhône-Alpes, menacée par le changement climatique.