Réserve biologique dirigée de Belle Croix
La réserve de Belle Croix fait partie des 7 premières RBD créées dès 1953 en forêt domaniale de Fontainebleau.
Elle est concernée par la vaste ZNIEFF de type 1 "Massif de Fontainebleau" qui englobe toute la forêt domaniale et à laquelle sont superposées une ZSC et une ZPS.
Depuis 1965, la forêt de Fontainebleau est un site classé au titre de la loi sur les sites et paysages de 1930. Les forêts domaniales de Fontainebleau, des Trois Pignons et de la Commanderie constituent la plus grande partie de la zone centrale de la réserve de biosphère de Fontainebleau et du Gâtinais, créée en 1998. Pour une protection maximale contre diverses pressions foncières, le massif a été classé en forêt de protection en 2002. Enfin, il a reçu le label Forêt d'Exception en 2012.
Histoire
La réserve biologique de Belle Croix est un lieu bien connu du massif de Fontainebleau tant d’un point naturaliste que d’un point de vue historique. La réserve est appelée ainsi en lien avec la présence d’une croix à proximité. Cette croix appelée « belle croix » ou croix Trappeau était un lieu de rassemblement pour la chasse. Sans caractère religieux, elle compte parmi les 12 édifices installés le long des parcours de chasse tels que décrits dans le traité de vénerie royale de Robert Salnove. L’autre attrait du site est paysager, il réside dans la présence de 2 mares (mare à Piat, mare à Dagneau), de belles dimensions très appréciées par les promeneurs comme l’attestent les cartes postales du début du XIXème siècle. Un autre élément patrimonial rappelle le passé laborieux du massif, il s’agit de fronts de taille de carrière de grès présents de part en part de la réserve. Au pied de ces murs, ou sur les versants, on trouve les "déchets" de l'exploitation (bout de roches, pavés non conformes) appelés (écales) ou andouilles. Les chemins d'évacuation de matériaux sont encore visibles sous le forme de "voie de vidange" comme la route du Luxembourg (limite sud de la RBD) pavée de grès.
Géologie - Pédologie
Le calcaire d’Etampes (Stampien supérieur) couvre les Monts de Fays, formant le socle du plateau, au nord de la RBD. Le relief au sein de la réserve est typique et spécifique du massif bellifontain, avec la présence de bandes de grès, formant de véritables tables ou platières, imperméables. L’ensemble repose sur les Sables de Fontainebleau. La silicification des sables très riches en silice, en lien avec les successions de phases d’abaissement de la nappe phréatique a conduit à la grésification en bandes. Les versants sont couverts de blocs de grès provenant du démantèlement des platières du Massif et formant des chaos rocheux difformes.
Les sols des versants et fonds de vallons sur sable sont marqués par les phénomènes de lixiviation (altération et soustraction) et d’accumulation donnant naissance à des profils de podzols. Le fond des vallons est le lieu de développement des grèzes (cailloutis calcaires mélangés aux sables).
Milieux naturels
La réserve comprend un réseau de mares très important (plus d’une vingtaine). Les mares sont de plusieurs type, en fonction de leur mode d’alimentation en eau, de leur temporalité en eau (permanente ou non) et de la nature du pH (supérieur à 5.5 ou inférieur à 5.5). On y rencontre 3 types de mares:
- temporaires avec des eaux oligotrophes, à pH > 5,5 à végétation dominée par des phanérogames.
- temporaires, avec eaux oligotrophes, à pH < 5,5 à végétation dominée par les sphaignes
- permanentes, avec eaux oligotrophes, à pH < 5,5 à végétation dominée par des sphaignes (mare à Dagneau, mare à Piat)
La réserve est ponctuée également de landes sèches à callune fortement colonisées par des pins sylvestre. On observe également des formations à genévriers en bas des chaos rocheux où la grèze s’est accumulée. Les landes à genévrier sont colonisées par des fourrés à épineux (épine-vinette, prunellier) et les pinèdes . Des lambeaux de pelouses calcaire sur sables xériques sont également visibles en bordure de plateau calcaire. Des zones écorchées sont visibles par endroits.
Les boisements sont des chênaies hêtraies acidiphiles à houx ou des hêtraies calcicoles dépérissantes (partie nord-est de la réserve). La chênaie hêtraie est très souvent colonisée par des résineux (pin sylvestre), l'aspect de la chênaie-hêtraie se résume souvent en une pinède pure notamment au droit des pierriers de grès.
Flore
Le site de Belle Croix est un haut lieu de la botanique du massif de Fontainebleau, en effet, l’eau très acide des mares ou leur caractère temporaire favorise la présence d’espèces végétales rares. La richesse en sphaignes a été démontrée par une récente étude mais certaines espèces avaient déjà été mentionnées dès le 19ème siècle, par les grands naturalistes de l’époque, Tournefort, Jussieu et Linné.
Au total, ce ne sont pas moins de 8 espèces de sphaignes, sur les 36 répertoriées en France, qui sont présentes sur le site.
La Renoncule à fleur en boule, espèce protégée au niveau national, fait partie des fleurons de la flore du massif. 3 autres espèces de renoncules protégées figurent au "palmarès" de ce site
Illécèbre verticillé
Faune
Sur ces mares, on peut observer des libellules comme l’Anax empereur. Quelques cuvettes qui s’assèchent rapidement dès le printemps hébergent des populations de crustacés phyllopodes (ex : Tanymastix stagnalis)
Dans l’eau des batraciens tels que Grenouille agile, Grenouille rieuse, Triton marbré, Triton ponctué, Triton palmé prélèvent aussi leurs proies. Le Triton marbré se trouve ici en limite nord-est de son aire de répartition.
De nombreux chiroptères, protégés au niveau national comme toutes les chauves-souris, fréquentent ces pièces d’eau et leur sous-bois avoisinants, en quête de nourriture : Sérotine commune, Murin de Berstein, Murin de Brandt, Murin de Daubenton, Grand murin, Murin à moustache, Noctule de Leisler, Pipistrelle commune.
Les reptiles comptent des espèces que l’on est en droit d’attendre dans ce type de milieux alternant landes sèches et humides : Lézard vert, Lézard des murailles, Lézard agile, Orvet, Coronelle lisse, Couleuvre à collier.
Les bosquets et proximité de pièces d’eau sont favorables à une avifaune riche et quelques espèces protégées au niveau national dont trois petits passereaux : Pouillot de Bonelli, Linotte mélodieuse, Roitelet huppé et quatre pics : Pic vert, Pic noir, Pic épeiche, Pic mar – ces trois derniers inscrits à la Directive Oiseaux.
Pour les insectes, deux coléoptères de l’annexe II de la DH sont identifiés : le Grand Capricorne et le Lucane Cerf-Volant, auxquels s’ajoute un lépidoptère, l’Ecaille chinée, espèces prioritaires de la Directive Habitats. D’autres espèces rares sont citées, pour les coléoptères : Carabus convexus, Synuchus vivalis, Liocola lugubris, Cetonischema aeruginosa, Lacon querceus, Megopis scabricornis et les Lépidoptères : Iphiclides podalirius, Hippargia fagi.
Pour les Orthoptères, on note la Mante religieuse et le Criquet rubané.
Gestion
Les peuplements forestiers (hêtraie chênaie, hétraie calcicole) et les boisements de pins spontanés dans les pierriers de grès sont laissés en libre évolution. Les gros bois de chênes sont la plupart sénescents et maintenus en l'état jusqu'à leur chute. La plupart des hêtres de la partie calcicole de la réserve (partie nord-est) sont très affectés par les sécheresses successives et présentent de nombreux signes de dépérissement.
Des interventions ponctuelles, sur les milieux ouverts sont prévues (suppression des jeunes pins et broyage des fourrés) au niveau des "patch" de pelouses ou des landes à callune, genévrier pour garantir une ouverture des milieux.
Les principales actions concernent les mares de platière qui ont tendance à l'atterrissement en raison de leur faible profondeur. L'intervention est légère et manuelle en raison de la fragilité de ces milieux. Les mares à sphaignes sont quant à elles laissées en libre évolution, une couverture ombragée permet de garantir une certaine fraîcheur.